Crise : et si la subsidiarité était la solution ?

J’ai découvert le principe de subsidiarité en 2008. Il s’agit du principe selon lequel une responsabilité doit être prise par le plus petit niveau d’autorité compétent pour résoudre le problème.

J’étais alors jeune manager dans une (très) très grande SSII et, comme tout bon élève, j’appliquais fièrement les directives et procédures de ma hiérarchie. Quand la crise des subprimes nous est tombée dessus, passées les premières heures de sidération, les ordres sont tombés. Le plus marquant fut celui d’arrêter toutes (je dis bien toutes) les périodes d’essai en cours, que les consultants en question soient affectés à des projets ou non.

Cette décision était d’une limpidité frappante pour le top management : si il y a 1000 intercontrats et 1000 périodes d’essai, il suffit d’arrêter toutes les périodes d’essai pour ne plus avoir d’intercontrats (!). Bien évidemment, si cette équation fonctionne sur Excel, elle n’a aucun sens opérationnel : les consultants ne sont pas interchangeables pour des raisons évidentes de compétences, expérience, savoir-être ou tout bêtement de localisation géographique.

Le dilemme s’est instillé en moi : devais-je appliquer cette décision ou faire ce qui me semblait le plus sensé, à la fois pour l’entité dont j’avais la charge et pour les équipes qui travaillaient avec moi. Vous vous doutez que si j’en parle aujourd’hui c’est que je n’ai pas appliqué la directive. J’ai fais le dos rond pendant quelques semaines, j’ai expliqué par des tas de circonvolutions que le chantier était en cours. L’activité s’est améliorée au fil du temps et je n’en ai plus jamais entendu parler.

Ce que cela m’a appris, ce n’est pas qu’il faut systématiquement aller contre les décisions de sa hiérarchie bien sûr, mais qu’une entreprise performante, c’est une entreprise qui conjugue une vision stratégique avec une délégation intelligente auprès des équipes opérationnelles, qui savent mieux que la direction comment mettre en œuvre sur le terrain la stratégie.

J’ai défendu ardemment cette idée lors de mes entreprises suivantes, malheureusement pas toujours avec succès. C’est une des raisons qui m’ont conduit à devenir entrepreneur. Mais en tant que dirigeant, ai-je les bons réflexes en temps de crise ?

Celle du Covid-19 a été un bon test. Quand le premier confinement a été mis en œuvre et que notre activité a connu un coup d’arrêt (heureusement pour nous pas trop brutal), j’ai été confronté à des décisions compliquées : dois-je être plus directif ? Dois-je plus contrôler ? Le stress nous pousse naturellement à aller vers le contrôle et nous éloigne de la confiance. J’ai moi-même pris certaines décisions qui allaient dans le mauvais sens, par exemple de valider tous les congés alors qu’avant le confinement les équipiers posaient ou annulaient eux-mêmes leurs congés.

Si nous avons traversé sans trop d’encombres cette période, ce n’est pas grâce à un management performant, c’est grâce à la mobilisation de toute l’entreprise et à la confiance que nous avons les uns envers les autres.

La leçon que j’en retire, et qui me servira pour la suite de notre aventure collective, c’est de garder notre philosophie agile (dont la subsidiarité fait partie) même quand la tempête fait rage.

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